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LA REGULATION NATIONALE, SOUS REGIONALE ET INTERNATIONALE DES MINERAIS FACE AUX CONFLITS DANS LA CHAINE D’APPROVISIONNEMENT DU COBALT EN RDC

LA REGULATION NATIONALE, SOUS REGIONALE ET INTERNATIONALE DES MINERAIS FACE AUX CONFLITS DANS LA CHAINE D’APPROVISIONNEMENT DU COBALT EN RDC

Publié dans les annales de l’Université Nouveaux Horizons, édition spéciale « Actes du Colloque : les mines pour qui ? », juin 2021, pp.107-127.

Auteur : Chryso Awila

Résumé

Pour enrayer la dynamique des minerais des conflits et leurs conséquences en RDC, plusieurs mécanismes ou initiatives ont vu le jour au niveau international, sous régional et national. La dernière en date est la Régulation de l’Union Européenne du 17 mai 2017 sur la chaine d’approvisionnement basée sur la diligence raisonnable des minerais de 3T et l’Or dans les zones affectées par les conflits et à hauts risques -faisant allusion à la RDC.  Ces mécanismes, notamment le règlement de l’Union Européenne, définissent les minerais des conflits suivant deux aspects : substantiel et locatif ou topographique.

Au sens substantiel, les minerais des conflits sont des substances bien nommées. Il s’agit de l’étain, du tantale, du tungstène (et leurs minerais) et de l’or. Le Cobalt n’y figure pas. Au sens locatif ou topographique, les minerais des conflits sont définis selon leur provenance. Ce sont des minerais issus des zones de conflit ou à haut risque. Par ailleurs, l’initiative de l’EU considère comme zone de conflit ou à haut risque, « une zone en situation de conflit armé ou une zone fragile à l’issue d’un conflit, ainsi qu’une zone caractérisée par une gouvernance et une sécurité déficientes, voire inexistantes, telle qu’un Etat défaillant, et par des violations courantes et systématiques du droit international, y compris des atteintes aux droits de l’homme » (art 2, f)[1].

La situation sur le terrain montre que les initiatives internationales de régulation des minerais de conflit tardent à donner pleine satisfaction par rapport aux objectifs visés. GWENAËLLE BRAS trouve une explication à cela en parlant de la loi Dodd-Frank. Pour lui, « l’ambition initiale de la loi américaine pourrait cependant être rapidement mise à mal, en raison principalement de l’absence d’intérêt des parties à toute régulation contraignante de ce secteur. Aucun des Etats africains directement concernés, dont certains sont des alliés stratégiques de Washington (Rwanda, Ouganda), n’est en effet en mesure de se conformer à cette réglementation sans impacter directement sa stabilité. Aux Etats-Unis aussi, l’application de la loi pourrait entamer la compétitivité d’industries nationales qui seraient alors les seules soumises à une réglementation ».[2]

Si hier c’était avec les 3T, aujourd’hui en République Démocratique du Congo, le boom minier se fait avec le Cobalt. Comme les 3T, le cobalt est devenu un minerai stratégique, au regard de son importance, et aiguise les appétits des multinationales qui se ruent à son approvisionnement. Selon AFP, « en mars 2018, le cours du cobalt a grimpé jusqu’à 95 500 dollars la tonne, son plus haut niveau depuis que le LME a commencé à suivre ce métal en 2010 »[3].

Avec la ruée sur le cobalt, il s’observe sur le terrain d’exploitation de ce minerais, des pratiques et des comportements conflictuels qui visent les mêmes objectifs que les pratiques et les comportements contre lesquels les mécanismes de régulation des minerais de conflit ont été initiés, en commençant par la loi Dodd-Frank : violation des droits humains, accaparement déguisé des propriétés des communautés locales et bien d’autres faits qui témoignent du déficit de gouvernance dans les zones d’exploitation du cobalt sont régulièrement signalés par les organisations de la Société Civile du secteur et par d’autres observateurs.

Comment et pour quels intérêts a-t-on ainsi défini les minerais de conflit ? Les initiatives internationales de régulation des minerais congolais sont-elles cohérentes au regard des pratiques de terrain et de la situation dans la chaine d’approvisionnement du cobalt ?

En essayant de répondre à ces questions, nous avons voulu montrer que les 3T (minerais de conflit ou de sang) et le cobalt (considéré comme libre de tout conflit) sont des minerais stratégiques, avec les mêmes enjeux et la même attractivité sur les multinationales et les grandes puissances mondiales, et leur exploitation se fait dans des conditions similaires de déficit de gouvernance et de violation des droits humains.

Mots clés : régulation minière, minerais de conflit, chaine d’approvisionnement, cobalt


[1] Cfr, RÈGLEMENT (UE) 2017/821 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 17 mai 2017 fixant des obligations liées au devoir de diligence à l’égard de la chaîne d’approvisionnement pour les importateurs de l’Union qui importent de l’étain, du tantale et du tungstène, leurs minerais et de l’or provenant de zones de conflit ou à haut risque

[2] GWENAËLLE BRAS, Op.cit

[3] AFP, Le cobalt, le diable bleu de la révolution verte, août 2018, disponible en ligne sur https://www.lesaffaires.com/secteurs-d-activite/ressources-naturelles/