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COOPERATION UNIVERSITAIRE ET SECTEUR MINIER : UNE APPROCHE EN RESEAU

COOPERATION UNIVERSITAIRE ET SECTEUR MINIER : UNE APPROCHE EN RESEAU

Cet article a fait l’objet d’une communication au colloque international organisé par l’Université de Kinshasa et l’ARES Belgique en novembre 2021 à Kinshasa, sous le thème : La Coopération Universitaire face à l’ère post-Covid-19. Il est sous presse.

Auteurs : Chryso Awila et Erik Kennes

A la suite du colloque International organisé par l’UNH en 2020, sur le thème « les mines pour qui ? », où il a été démontré que les mines du Congo n’appartiennent pas aux congolais, les auteurs du présent article ont voulu pousser la question plus loin, cherchant à savoir, dans les détails, pourquoi les mines du Congo n’appartiennent pas aux congolais et comment le secteur minier peut servir l’intérêt du pays et de la population.

Résumé :

Il va sans dire que l’économie de la RDC dépend, pour le meilleur et pour le pire, du secteur minier. Selon les chiffres de la Banque Centrale[i], le secteur minier et hydrocarbures représente 99,3% des recettes d’exportation du pays et 27,8% du PIB.  Depuis des décennies les économistes défendent l’idée de la diversification de l’économie tandis que le pourcentage de l’industrie manufacturière dans le PIB est de 11,5 % et les produits industriels et énergétiques 0,1% des recettes de l’exportation. En plus, cette dépendance est renforcée par la volatilité des prix de vente des matières premières qui constitue un défi pour la gestion des revenus et du secteur dans son entièreté.

Par ailleurs, la vague de privatisations qu’on a imposé au pays après la fin de la guerre au début des années 2000 avec l’introduction du nouveau code minier en 2002, très libéral pour les entreprises privées[ii], a également privé l’Etat de son expertise minière. Le dépeçage de la Gécamines a également causé une absorption par les entreprises privées de sa grande expertise dans le domaine minier et l’a rendue inaccessible pour l’Etat. Cette expertise dans le secteur minier semble actuellement se concentrer au niveau du ministère des mines ; mais ses effectifs et moyens semblent de loin en dessous du niveau dont l’Etat aurait besoin pour développer une stratégie minière adaptée à la taille du pays et de ses potentialités.

Le danger est évident : à la faible capacité de négociation de la RDC en matière de contrats internationaux s’ajoutent encore le risque de manipulation extérieure, de dissimulation de l’information, de corruption. Est-ce que cette situation n’est pas, en partie, à l’origine de la conclusion de contrats léonins pour le pays ? Comment peut-on expliquer que la RDC disposait d’un réseau performant d’entreprises publiques avec toute une infrastructure éducationnelle et sociale et qu’actuellement, la population dans de nombreux endroits est réduite à une situation de quasi-esclavage à l’intérieur d’une économie minière de prédation nationale et internationale ? Il est évident qu’après la fin de la guerre du RCD, l’économie du pays a été dépecée. Il est évident qu’après la fin de la guerre du RCD, le secteur minier du pays a été dépecée sous une pression extérieure, avec l’argument qu’il fallait attirer des investisseurs. On a voulu appliquer un modèle de code et de politique minière importée d’ailleurs, sans tenir compte des spécificités congolaises[iii].  Mais est-ce qu’en ce moment, un effort de résistance a été montée basé sur la mobilisation des meilleurs cerveaux du pays ? La revisitation de l’accord Sicomines a clairement indiqué qu’il y eut des manquements du côté congolais lors de sa conclusion. Comment éviter que la même situation se répète encore aujourd’hui ? La RDC n’a pas besoin d’une expertise extérieure (« renforcement des capacités »), elle regorge de grands penseurs avec plus que l’expertise nécessaire pour remettre le pays sur les rails.

Comment servir l’intérêt du pays et de la population ? Nécessité d’une stratégie minière dans le cadre d’une stratégie économique

Une stratégie est permanente et ne se réduit pas à la rédaction d’un document ou d’un plan indicatif. Elle doit se baser sur des données vérifiables, sur une large expertise nationale, sur un débat public. En ce qui concerne les données, on peut se féliciter que le pays s’est finalement doté d’un service géologique national, et en même temps déplorer qu’il ne reçoive guère de financements. Comment le pays pourra recouvrer son indépendance s’il doit toujours laisser à la partie adverse la collecte des données géologiques sur un potentiel gisement, des données qu’elle peut présenter comme elle le veut ? Autrefois, un travail d’exploration systématique des gisements fut fait par la Gécamines, dans le cadre d’une planification multi-annuelle et en prenant soin des évolutions dans la potentialité de l’entreprise et de l’évolution des marchés. Actuellement cet effort est inexistant et l’exploration le monopole des compagnies qui viennent exploiter., ce qui met l’Etat dans la position de spectateur plutôt que de planificateur.

Le débat public existe, mais il se limite à la société civile qui en général dénonce des cas de corruption ou des abus des droits humains : des études de cas plus qu’une stratégie à moyen et à long terme. Les débats au parlement sur la stratégie minière sont rares et liés aux quelques commissions d’enquête dont les résultats ne sont pas toujours débattus publiquement

Finalement, l’expertise nationale est le sujet principal de notre intervention. Elle se trouve au sein des entreprises privées, dans l’administration de l’Etat et des Provinces, ainsi que, trop peu, dans le milieu académique. Le rôle que devrait jouer le milieu académique est, de fait, joué par la société civile nationale et internationale. La voix des professeurs n’est que rarement entendue.

Mots clés : secteur minier, dépendance, recherche, expertise nationale, stratégie minière


[i] BANQUE CENTRALE DU CONGO, Rapport Annuel 2019, p. 136.

[ii] Cf. Marie MAZALTO, La réforme des législations minières en Afrique et le rôle des institutions financières internationales. Le cas de la République Démocratique du Congo, in Stefaan Marysse et Filip Reyntjens, ed., L’Afrique des Grands Lacs. Annuaire 2004-2005, Anvers/Paris, Centre d’études de la région des Grands Lacs d’Afrique/L’Harmattan, 2005, p. 263-289.

[iii] Cf. Marie MAZALTO, De la réforme du secteur minier  à celle de l’Etat, in Théodore TREFON, Dir., Réforme au congo (RDC). Attentes et désillusions, Africa Museum/L’Harmattan, Tervuren/Paris, 2009, p. 176.